2015, People, I like, La Réunion
Initialement, cette série avait pour but de rendre hommage à ceux que j'affectionne, et que je considère comme mes amis. Certains ne sont pas (encore) représentés, mais cette série est appelée à évoluer, et ils trouveront place bien assez tôt. Quelques uns vivent ailleurs, d'autres partiront, mais l'essentiel, c'est de les avoir connus et, surtout, de ne pas les oublier...
La photographie n'est rien d'autre qu'un prolongement de notre mémoire et, parfois aussi, un moyen artistique d'expression. La manière de photographier ceux dont on veut garder le souvenir répond à la manière dont on les perçoit. Cela traduit le rapport qui s'est instauré de part et d'autre et implique une connaissance réciproque, construite dans une certaine durée. La manière de photographier renvoie ainsi à une certaine forme d'esthétisme de la relation et de l'intimité partagée, sans laquelle la prise de vue serait impossible.
Voir est un acte essentiel, car il permet à chacun d'exister dans le regard de l'autre et de lui donner vie dans le sien. Toute l'épaisseur des relations humaines dépend du temps, de l'attention et du respect que l'on accorde aux autres. Le regard et l'écoute autorisent la rencontre, le dialogue et l'échange.
Mais sommes-nous plus heureux à mesure que s'accroît le nombre de nos amis ? Comptabiliser les liens qui nous unissent aux autres ne témoigne que du vide que nous voulons combler. Car, l'amitié ne se mesure pas à l'aune des foules, mais à l'intensité, à la sincérité et à la profondeur de la relation que l'on tisse avec ceux qui nous sont proches.
En publiant ces images, j'avais envie de dire à ceux qui m'ont permis de les prendre que je leur étais reconnaissant du temps qu'ils m'avaient accordé et de la qualité de la relation qui s'était instaurée entre nous. En d'autre termes, je les remerciais de m'avoir offert une étincelle de leur beauté en leur offrant en retour un peu d'intemporalité. En somme, je m'inscrivais dans la logique du don et du contre-don, qui me paraît être l'essence même de tout rapport social.
Hélas, moins de deux minutes après avoir mis ces images en lignes, j'ai été sommé d'en retirer quelques unes, parce que je n'avais pas demandé d'autorisation préalable et qu'elles portaient atteinte au droit à l'image, au caractère privé, etc. Comment ne pas être abasourdi par une telle violence ? Si j'ai bien compris la leçon, il est interdit de dire à ceux qu'on aime qu'on les aime, si on ne leur demande pas au préalable l'autorisation de le faire ! Et évidemment, le droit à l'image prévaut sur le droit d'expression artistique...
Bref, j'aurai pu passer outre, mais à quoi bon lutter ? Le monde est ce qu'il est, parce que nous sommes ensorcelés par nos craintes et nos peurs. Mais je n'ai aucune raison de vivre cette situation comme un petit garçon pris en faute. Je n'ai pas à m'excuser d'avoir voulu faire bien. Tant pis si mes intentions ont mal été interprétées ; elles étaient sincères.
Pour répondre à l'injonction, j'ai remplacé les images incriminées par des trous de mémoires...
Franchement, je trouve ça moche !
(Cliquez sur les images pour les agrandir)